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Le Bruit qui Court
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  • Le Bruit qui Court est un journal presque mensuel de quelques élèves des Mines de Saint-Etienne. Ici nous posterons la plupart de nos articles, pour pouvoir rendre accessible les anciens numéros.
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9 octobre 2006

Vis ta vie, camarade - n°2 oct 2006

    Cela fait déjà quelques jours que je me demande ce que, si je n'avais qu'un sujet à développer avant qu'on ne me coupe la tête, je choisirais de dire. C'est très délicat. On m'a souvent reproché de blablater, de tourner autour du pot. Certes, mais c'est pour mieux savoir autour de quel pot je tourne. Autour de quoi tournons nous? Certains semblent se dévouer à la science, peut être faute d'avoir autre chose à quoi offrir leur corps. D'autres vouent un culte à la dive bouteille. Et je note au passage l'existence de ce sympathique adjectif, qui n'a d'autre usage que de qualifier le réceptacle de bien des dévotions. Et, bien entendu, certains tournent, non autour d'un hypothétique pot, mais autour de ceux qui ont eu à la grande loterie génétique le tirage opposé du leur. Comme il est triste pour moi d'imaginer que certains ne gravitent autour de rien, qu'ils ne sont donc attirés par rien et passent leur vie dans un brouillard gris et ascétique, je partirai donc de l'a priori rassurant que nous avons tous une passion qui nous dévore. Pour ne pas dire un feu divin qui nous anime. Qui nous donne une âme. Et une raison pour bouger.

Quelle est donc ma raison?

    La bouteille? Sûrement pas. Cette raison que je cherche est le noeud de ma vie, et ne saurait être interchangeable à plaisir. Puisque qu'importe le flacon, et que souvent femme varie -ou que souvent de femme on varie- la raison doit être ailleurs. Et je ne parle pas de la raison de ma présence sur terre, ou autre sujet totalement abscons&sujet à caution. Je parle de ma raison de continuer. Continuer sur terre, continuer à faire partie d'un monde et d'une société structurellement inadaptés à l'individu. L'animal humain, pour survivre, s'est créé une jungle bien plus sale (car artificielle, et donc artificieuse, aux règles mouvantes et bien plus complexes que manger ou être mangé) que le trou plein de boue entre les herbes hautes duquel il s'est sorti. Pour survivre il a inventé un tissu de liens, de dépendances, une hiérarchie, des codes, qui le dépassent et qu'il doit dépasser. Pour cela il faut une force motrice, un but, un projet, une oeuvre, qui nous dépasse pour nous permettre de nous dépasser. Et de continuer. Continuer à vivre, à faire partie de ce monde, à le former et le faire notre, puisque c'est le seul choix que je me laisse, je ne supporte pas la fuite.

    Continuer pour quoi, donc, si ce n'est pour l'ivresse, qu'elle soit causée par un verre ou une femme? La recherche du bonheur? Dieu? Je ne me mêle pas de ces choses-là, mais il m'est avis que si je m'y mettais, je passerai ma vie à chercher, et donc je ne trouverai pas. Me semblent inaccessibles par nature, ces deux concepts là. De bons palliatifs, se dire "t'inquiète, j'y travaille", mais franchement je n'y crois pas trop. Quand je me sens perdu, je me raccroche à des choses beaucoup plus concrètes en fait que Dieu ou le Bonheur. Je me raccroche à un regard. A des regards. Le regard de cette fille afghane, pendant la précédente guerre d'Afghanistan, photographié par le National Geographic, de beaux yeux au fond desquels je vois.. la vie, malgré tout. Le regard de cette femme que j'ai croisée pendant mes oraux dans le métro entre Invalides et Balard, une femme qui pleurait seule dans la rame, entourée de regards baissés, à qui j'ai souri et qui m'a dit merci avec une gratitude qui m'a foutu un bourdon monstre pendant un mois. Le regard de cette Natascha qui a vécu toute la folie humaine, et qui ne contient pas le moindre ressentiment. Juste l'envie de continuer. Et cette envie de continuer je ne sais pas plus d'où elle vient que je ne sais d'où je viens. Je l'accepte comme elle est, comme j'accepte de faire partie de ce monde. Je ne sais pas à quel saint me vouer, mais j'ai mes madones. Elles et d'autres. Elles et toi.

    Ce n'est pas une recette, ni un prêche, plus une confession. Une envie de vous faire chercher le sens derrière tout ça. Non pas le sens de la vie, le sens de votre vie. Pourquoi continuer en fait? Pour quoi? Se jeter dans les sciences et chercher des réponses aux questions, des réponses certes censées, mais qui partent du postulat que la question l'est, est une solution. Se jeter dans la recherche des paradis terrestres ou non, avec ou pas l'aide de substances diverses est une solution tout aussi valable. Se jeter dans le gens et se dire qu'on continue pour eux, même s'ils s'en foutent et ne me connaissent même pas est ma solution. Ne pas se poser la question n'est pas une solution. Ne le sera jamais. Je cherche une conclusion. Et ne pense pas la trouver.

Rd*

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